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Page:Huysmans - En rade.djvu/123

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mais songe, sans le vouloir, avec une certaine complaisance à l’instant de leur mort.

Sans nul doute, cette douloureuse pensée le navre ; il est remué jusqu’au fond du ventre par la soudaine vision de la mise en bière ; il se voit, pleurant à chaudes larmes, mais il sent aussi couler tout d’abord en lui une lente douceur, alors qu’il se représente, au cimetière, entouré de gens qui le regardent, qui stimulent, par leur présence, son envie d’être intéressant, sa satisfaction d’être plaint, qui contentent ainsi ce soupçon de besoin de parade que chacun recèle sans s’en douter.

Puis, fatalement, maintenant que l’affreux spectacle des funérailles a disparu, il se suit dans l’avenir, s’adjuge une avance d’hoirie sur la confortable existence qu’il pourra mener quand il sera son maître.

C’est encore ce même ferment d’idées interlopes qui fait qu’un homme demeuré veuf avec des enfants, ne peut s’empêcher de ruminer combien son sort serait différent, s’il était seul ; et il se lance dans des conjectures, rêve à l’avenir, échafaude une vie libre, s’éjouit à évoquer une nouvelle existence, ne va pas évidemment jusqu’à souhaiter que ses enfants disparaissent, mais cède à l’appel de cette idée qu’ils ne sont plus et s’y arrête.