Page:Huysmans - En rade.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

violet tendre au roux et devenait, dans sa fuite sur la vallée, tout bleu.

Et au loin, des villages s’entrevoyaient, sur les collines, au bout des rubans de toile, sur la bordure des tapis, des amas de maisons dont les toits demeuraient invisibles, perdus dans la trépidation de l’air, mais dont les murs éclataient avec l’aveuglante franchise des badigeons crus ; la brume s’éclaircit encore ; les buttes blondirent et se dorèrent dans un coup de soleil qui frappa tout un hameau mais épargna la moquette sourde des champs et repoussa la taciturne couleur des guérets secs.

À son tour, le vent se leva, rompant le silence de la plaine, balayant les bleuâtres vapeurs qui voilaient les côtes.

Alors l’horizon creusa de profondes encoches dans le sommet des arbres dont le vert se vit ; les bourgades, les chemins, tout à l’heure vagues, s’affermirent et semblèrent ne plus voguer au ras de la terre mais s’implanter réellement au sol. Les peupliers immobiles et muets, étriqués, pour la plupart, avec leurs têtes chevelues, leurs places épilées, leurs bouquets serrés de feuilles, bouffèrent, s’élargirent, roulèrent dans le vent, avec un bruit d’écluse. Et, une fois de plus, le firmament changea ; le soleil disparut, rejetant les villages qui