Page:Huysmans - En rade.djvu/140

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grelottèrent sur les buttes ; des nuages coururent, dessinèrent des continents dans ces mers du ciel dont le bleu apparaissait en des golfes déchirés de caps. Et des trous s’enfoncèrent dans ces alluvions de l’espace, des trous infundibuliformes, roux, par lesquels filtra une lumière de lanterne sourde, une lumière de crépuscule qui blêmit le paysage, râpant, en quelque sorte, les tons chagrins et tièdes, les délayant encore, accusant, au contraire, les tons criards qui, livrés à eux-mêmes, s’avancèrent, débringués, au-dessus du val.

L’atmosphère était étouffante ; des souffles accablants de poêles arrivaient avec le vent, gonflaient la blouse vernie de l’oncle Antoine qu’on apercevait au loin, tout au loin, très petit, renflé d’une bosse par la blouse, laissant passer entre ses jambes des fumées de poussière qui lui enveloppaient par instants le dos.

Jacques, qu’atterraient les cruautés bleues des ciels d’août et que ravissait la tristesse des novembres gris, demeurait indifférent à ce marchandage du temps qui, tour à tour, soucieux et gai, ne versait ni réelle mélancolie, ni véritable joie. Il rentra et se promena dans le jardin du château. Il s’assit sur l’ancienne pelouse, mais cette position l’impatienta ; il s’étendit sur le ventre et, ne pensant à rien, il se complut à grappiller des fleurs.