Page:Huysmans - En rade.djvu/149

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Il les chassait, mais elles revenaient en hâte, plus sifflantes et plus têtues.

Je voudrais bien filer, pensait-il, mais l’oncle Antoine commençait une partie de piquet. Il changea de place et Jacques eut près de lui un vieux paysan qui portait un collier de barbe comme certains grands singes ; et il dut se reculer, car le nez de cet homme, qui avait la mine d’un professeur au jus de réglisse, égouttait ainsi qu’un filtre du café qui coulait sur la table, sur ses voisins quand il remuait, n’importe où.

— Ça y est ! criait l’oncle Antoine, en distribuant les cartes ; et il se mouillait le pouce chaque fois, et tous faisaient de même lorsqu’ils jouaient.

Jacques finissait par somnoler, quand il entendit des fragments de conversation dont il s’efforça de pénétrer le sens ; mais l’un des deux paysans qui causait parlait si vite et jargonnait si durement qu’il était impossible de le suivre. Il était question d’une Parisienne, et Jacques se demanda tout d’abord s’il ne s’agissait pas de Louise ; mais non, on rappelait une scène qui s’était passée, le dimanche d’avant, dans l’auberge même, chez Parisot. Les deux paysans riaient aux larmes, et l’oncle Antoine, un moment distrait de son jeu par ces rires et mis sur la piste de l’histoire par un mot qu’il entendit, s’esclaffa à son tour.