Page:Huysmans - En rade.djvu/150

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Ce que je m’embête ! ce que j’aurais mieux fait de rester à Lourps, se disait Jacques. Il se leva, se mit à genoux sur le banc et regarda par la fenêtre.

Toutes les femmes du pays étaient en quelque sortes réunies sur la route, et pas une, pas une, n’avait de seins ! Et ce qu’elles étaient, pour la plupart, affreuses, taillées à coups de serpe, mal équarries, blondasses, fanées à vingt ans, fagotées telles que des souillons, avec leurs chemises à coulisses, leurs jupes grises et leurs bas de prison, enfilés dans des bamboches !

Crédieu ! quels laiderons ! se dit Jacques. Les petites filles mêmes étaient en avance sur leur âge, avaient des traits accusés et l’air vieux. Se tenant, à six, par les mains, elles formaient une ronde et chantaient avec des voix aigrelettes :


Je m’en vas chez ma tante
Qu’a des poules à vendre,
Des noires et des blanches.
À quatre sous,
À quatre sous,
Mademoiselle, retournez-vous !


Et sur ce mot, elles se retournaient et, dos à dos, se repoussaient le derrière, en jetant des cris.

Jacques finit par s’intéresser à ces petites singesses qui avaient au moins pour elles une vague santé de lèvres et des yeux frais ; puis, d’autres