Page:Huysmans - En rade.djvu/191

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sot s’est fait du bien, dans ce temps. Il y avait, avec cela, un colonel qu’on aimait ben. Il réunissait, le matin, le régiment sur la route et il disait : Y a-t-il quelqu’un ici qui ait à se plaindre de mes soldats ? Et qu’on répondait : Je pense point, et qu’on criait de bon cœur : vive les Prussiens !

Jacques le laissait aller, l’écoutait, à certains jours, regardant, par d’autres, à la fenêtre, sous la pluie les ébats trempés des bêtes. Justement, l’oncle Antoine s’était procuré une troupe d’oies qui, constamment, d’un air solennel et idiot, parcouraient la cour. Elles s’arrêtaient, le jars en tête, devant la maison, gloussaient avec un petit rire imbécile et satisfait, buvaient dans une barrique enfoncée en terre, levaient la tête, toutes ensemble, comme si elles eussent voulu faire descendre l’eau, puis, subitement, sans cause, se dressaient sur leurs pattes, battaient de l’aile, s’élançaient droit sur l’étable, en poussant des cris affreux.

D’autres fois, la tante Norine revenait dans la journée, et quand sa nièce, qui lui en imposait un peu, n’était point là, elle entamait des conversations grivoises qui faisaient bouillir l’eau claire de ses yeux ; stupéfié, Jacques apprenait que l’oncle se conduisait en héros, paladinait tous les soirs, et il demeurait atterré, alors que la vieille disait, en prenant des mines évaporées et contrites :