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Page:Huysmans - En rade.djvu/22

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le ressort ; et, assise, sans s’en douter, elle affectait des poses dont le comique finissait par énerver ; elle se tenait dans l’attitude rêveuse des dames représentées dans les tableaux du premier Empire, l’œil au ciel, la main gauche sur la bouche, le coude soutenu par la paume de la main droite.

Jacques examinait ce couple dont la faible lumière d’une bougie de campagne, aussi haute qu’un cierge, accusait plus nettement encore qu’en plein jour les traits raboteux, passés au bistre.

Maintenant, ils avaient, tous les deux, le nez dans leur soupe dont ils buvaient, à même de l’assiette, les dernières gouttes. D’un revers de manche, ils s’essuyèrent les lèvres et le vieux emplit les verres, puis, tout en se curant avec son couteau les dents, il se prit à gémir.

— Ça sera peut-être ben pour cette nuit !

— Peut-être ben, répondit Norine.

— Je compte coucher à l’étable, quoi que t’en dis ?

— Dame, pour vêler, a vêlera, mais on peut pas savoir au juste quand a vêlera ; ben, on le croirait pas, ma pauvre Lizarde, ce qu’elle souffre ; tiens, tends !

Et l’on entendit, en effet, un sourd meuglement qui traversa le silence de la pièce.

— C’est comme aux personnes, ça lui frémit !