Page:Huysmans - En rade.djvu/226

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Au milieu de cette prairie courait un sentier bordé de saules, aux troncs bas, aux feuillages bleuâtres dégageant comme une fumée dès que le vent soufflait.

En avançant, il s’aperçut qu’entre cette haie serrée de saules coulait une minuscule rivière, la Voulzie, moirée de cercles de bistre par les sauts capricants des araignées d’eau. La rivière célébrée par Hégésippe Moreau serpentait en de silencieux et frais méandres, se lovait, à certaines places, en des boucles toutes bleues au fond desquelles frétillaient, en tournant sur eux-mêmes, les feuillages dédoublés des rives, puis elle se déroulait, s’allongeait en ligne droite, emmenant avec elle tout un courant de ciel, entre ses deux bords.

Un rayon de soleil dora le pelage du pré ; le vent accéléra la course des nuages qui se grumelaient comme un lait caillé, au loin, et il les poussa au-dessus de la Voulzie dont l’azur se pommela de taches blanches. Une odeur frigide d’herbes, une senteur fade, légèrement salée d’ocre, monta de ce sol vert estampé de marques brunes par les sabots du bétail.

Ils passèrent la Voulzie sur un pont de planches et alors, derrière le rideau franchi des saules, une autre partie du pré s’étala, piétinée de toutes parts par un troupeau de vaches. Il y en avait