Page:Huysmans - En rade.djvu/225

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à cette heure, doit garder les vaches dans le pré ; ça ne fait rien, du reste, nous laisserons la Barrée chez lui, en passant, et nous irons le prendre.

Ils traversèrent la grande route de Bray et rejoignirent par une ruelle le village de Jutigny ; c’étaient, dans chaque sente qu’ils franchissaient, des saluts et des bonjours de vieilles à marmottes, ravaudant dans le cadre d’une fenêtre qui les tranchait au buste. Sur le seuil des maisons les marmots sales comme des peignes, les cheveux dans les yeux, boudaient, en tenant dans leurs mains des tartines échancrées par des coups de bouches.

Ils s’arrêtèrent devant une chaumière neuve précédée d’une cour dans un coin de laquelle ondulaient des roses trémières d’un rouge sang, des roses en bâtons, ainsi que les appelait l’oncle.

Ils soulevèrent le loquet d’une porte à claire-voie, attachèrent la Barrée à un poteau planté dans la cour, puis refermant la porte ils s’engagèrent, au tournant de la rue, dans une allée longée d’ormes.

Ils aboutirent à une prairie immense. Jacques demeura surpris par l’étendue de ce paysage, couché à plat, sous un firmament dont la courbe semblait atteindre la terre à l’horizon, là-bas, dans un lointain bouqueté par des touffes d’arbres.