Page:Huysmans - En rade.djvu/246

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lui devant l’interminable agonie de cette bête.

Il avait hâte de s’échapper de cette maudite chambre. Quelles nuits j’y aurai subies, pensa-t-il, une première horrible, d’autres démentielles, une dernière atroce !

Il descendit, se promena dans le jardin ; et peu à peu, à mesure qu’il marcha, sa haine de Lourps et ses souhaits de départ s’amollirent.

Il faisait si bon sur cette pelouse, si tiède derrière ces grilles ouvragées de feuilles ! Tamisé par les sapins, le vent soufflait l’odeur affaiblie des térébenthines et des gommes ; une senteur tannique d’écorce montait de la mousse remuée du sol et le tonifiait ainsi que des émanations respirées de sels. Le château, ranimé par un bain de soleil, se défublait de ses mines grognonnes, rajeunissait, s’affêtait, coquettait, pour son départ. Ces pigeons même, si sauvages qu’on ne pouvait réussir à les toucher, se pavanaient maintenant dans la cour et le regardaient, sans fuir à son approche. C’était, en quelque sorte, un adieu câlin qu’exhalaient ces lieux abandonnés où il avait égoutté de si mélancoliques heures.

Il se sentit le cœur serré, en passant pour la dernière fois sous le berceau des allées désertes, en regardant les grelots des grappes de vignes enroulées dans les pagodes à clochettes des vieux pins.