Page:Huysmans - En rade.djvu/249

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— Il n’a plus pour deux heures à vivre ; regarde, l’œil est vitreux et les râles sifflent.

Il rangea les papiers, apprêta ses affaires, tandis que pour le déjeuner, sa femme allumait le feu.

Des pas retentirent subitement dans l’escalier et le facteur entra.

— Je suis venu plus tôt que d’habitude, dit-il, parce que j’ai pour vous de la bonne poste !… et il tira la lettre attendue, scellée des cinq cachets.

Une sorte de majesté s’élevait de sa face cuite et ses cheveux gris semblaient presque vénérables. L’importance de cette lettre qui contenait de l’argent, le transfigurait, anoblissait jusqu’à son rire édenté de vieil ivrogne.

Il s’assit, se frotta la tête avec la paume de sa main, regarda les préparatifs à peine commencés du repas et la table vide ; visiblement, il regrettait de s’être autant pressé !

— C’est la dernière lettre que vous nous apportez, facteur, proféra Jacques en signant le reçu ; nous partons pour Paris aujourd’hui même.

Le vieux faillit s’écrouler.

— Oh ! oh ! oh ! moi qui comptais tant que mes Parisiens seraient encore ici jusqu’à l’hiver, oh ben vrai, là, cette nouvelle me tournoie le cœur. Ça me faisait trotter en plus, mais quoi que ça pou-