Page:Huysmans - En rade.djvu/250

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vait me faire ? je venais ici, pas vrai, chez des braves gens pas fiers ; on était quasiment des amis ; ah ! tenez, foi de Mignot, ma petite dame, vous pourrez dire que vous êtes regrettée, vous, continua-t-il, d’un ton dolent que commençait à démentir la lointaine sournoiserie de l’œil.

Enfin, c’est-il ça qui nous empêchera de boire un dernier verre de vin à votre santé ? et il guignait le litre.

Jacques eut hâte de le voir déguerpir.

— Tenez, père Mignot, voici dix francs pour vos dérangements et maintenant, à la vôtre ; il lui tendit un verre.

D’une main, le facteur empocha les pièces et de l’autre, se jeta, d’un trait, le vin dans la gorge ; puis il demanda la permission de se tailler une miche, pensant, non sans raison, que l’on ne pourrait pas le laisser ainsi manger, sans boire.

Il lampa, de la sorte, presque tout le litre, finit par se lever, tendit sa patte sale et, d’un air attendri, déclara qu’il les attendait, l’an prochain ; puis, la mine accablée, il s’en fut, en faisant sauter les deux pièces de cent sous dans sa culotte.

— Ah çà, vous voulez donc qu’il y ait pas de lettres dans le pays ? cria l’oncle Antoine, qui parut quelques instants après le départ du facteur.

— Pourquoi cela ?