Page:Huysmans - En rade.djvu/25

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des bouses. C’est bon, dit-il ; et il s’attarda au seuil de cette nuit de campagne où l’on ne voyait pas à deux pas devant soi ; des espèces de fils vermiculés de pluie descendaient devant ses prunelles élargies dans le noir, mais ces troubles de la vision ne durèrent qu’une minute, car la nuit s’éclairait au loin ; une pointe de feu vrilla les ténèbres, s’allongea en lame, coupa d’une large estafilade de lumière la tante Norine, devenue immense, le corps plié en deux comme sur une charnière, les jambes couchées à plat sur l’herbe, le buste et la tête droits, en haut, dans une cime d’arbre.

Elle s’avançait, en effet, précédée de son ombre que remuait une lanterne.

— Eh bien, ma tante, comment va la Lizarde ?

— Je compte pas, décidément, que ce sera pour cette nuit ; a vêlera prochainement pour le midi de demain.

Ils rentrèrent et se remirent à table.

— Tiens, goûte donc pour voir ? fit le vieux, en présentant le terrible fromage du pays, le fromage fané, comme on l’appelle, une sorte de Brie dur, couleur de vieille dent, répandant des odeurs de caries et de latrines.

Jacques refusa. Louise dort tout debout, dit-il ; allons nous coucher.

— Le fait est, ma fille, qu’on ne t’entend point ;