Page:Huysmans - En rade.djvu/24

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— Voyons, reprit-il, tu ne manges pas ?

— Mais si… mais si… Non, ma tante, vrai, je n’ai plus faim ; et il essaya de repousser la vieille qui voulait lui déposer sur l’assiette un cuissot de lapin.

Mais elle le fit couler quand même de la cuiller.

— Sûr que tu le mangeras, pour voir ; tu ne viens pas ici pour jeûner, je compte ; — et, après une seconde de silence, elle soupira : — ah ! ben c’étant ! et brusquement elle se leva et elle sortit.

— Elle va vers la Lizarde, dit le vieux, répondant au regard étonné de Jacques et de Louise. Si ça venait cette nuit, eh là quoi donc faire ? le berger serait loin à cette heure ; elle aurait le moyen de créver, la pauvre bête, tant seulement qu’il se mette en route ; ah ! bon sang de bon Dieu ! et il hocha la tête, en frappant du manche de son couteau la table.

— Ben, et toi, mon homme, tu ne bois point ? c’est-il que mon vin t’offusque ?

Jacques sentait la tête lui tourner dans cette petite pièce que les sarments en flamme de la cheminée emplissaient de bouillants effluves.

— J’étouffe, dit-il. Il se leva, entr’ouvrit la porte, et aspira une bouffée d’air pur, une bouffée parfumée par la brusque odeur des bois mouillés à laquelle se mêlait la senteur tièdement ambrée