Page:Huysmans - En rade.djvu/56

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rêve qu’il avait vu se dérouler devant lui, pendant un somme.

Il cherchait à se l’expliquer. Où, dans quel temps, sous quelles latitudes, dans quels parages pouvait bien se lever ce palais immense, avec ses coupoles élancées dans la nue, ses colonnes phalliques, ses piliers émergés d’un pavé d’eau miroitant et dur ?

Il errait dans les propos antiques, dans les vieilles légendes, choppait dans les brumes de l’histoire, se représentait de vagues Bactrianes, d’hypothétiques Cappadoces, d’incertaines Suzes, imaginait d’impossibles peuples sur lesquels pût régner ce monarque rouge, tiaré d’or, grénelé de gemmes.

Peu à peu cependant une lueur jaillit et les souvenirs des livres saints en dérive dans sa mémoire se ressoudèrent, les uns aux autres, et convergèrent sur ce livre où Assuérus, aux écoutes d’une virilité qui s’use, se dresse devant la nièce de Mardochée, l’auguste entremetteur, le bienheureux truchement du Dieu des Juifs.

Les personnages s’éclairaient à cette lueur, se délinéaient aux souvenirs de la Bible, devenaient reconnaissables ; le Roi silencieux, en quête d’un rut, Esther macérée, douze mois durant, dans les aromates, baignée dans les huiles, roulée dans les