Page:Huysmans - En rade.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux monstrueux calices tendus vers le ciel sont les sommets cratériformes du Copernic et du Képler.

Non, je ne me suis pas trompé de route, se dit-il, contemplant le lait glacé de cette surface presque plane, devenue renflée, toruleuse seulement alors qu’on approchait du pied d’un pic.

Avec une sereine certitude, il s’orienta ; là-bas, vers le sud, ce qui apparaît vaguement tel qu’un grand golfe, c’est la Mer des Humeurs, et ces deux effroyables chancres qui en gardent l’entrée, ce sont à n’en point douter, le mont Gassendi et l’Agatarchites. — Et souriant, il songea que c’était tout de même un bien singulier pays que la Lune, où il n’y a ni vapeur, ni végétation, ni terre, ni eau, rien que des rocs et des coulées de lave, rien que des cirques stratifiés et des volcans morts ; et puis, pourquoi l’astronomie avait-elle conservé ces noms inexacts, ces qualifications surannées et bizarres dont les vieux astrologues ont baptisé des enfilades de plaines et de monts ?

Il se tourna vers sa femme assise et hypnotisée par cette blancheur, lui expliqua en quelques mots qu’il serait imprudent de s’aventurer dans le midi de cet astre, car c’est là que se trouve la zone volcanique, l’agglomération des cratères éteints,