Page:Huysmans - En rade.djvu/97

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des sierras empiétant les unes sur les autres, des Cordillières se touchant presque et laissant à peine courir entre leurs pieds de rugueuses sentes qui semblent taillées dans des tranches de calcaire ou percées dans des pains de blanc de plomb.

Il l’aida enfin à se lever ; elle l’écoutait, scrutant ses lèvres, comprenant ses paroles, mais ne les entendant point puisqu’aucun milieu atmosphérique ne pouvait propager le son dans cette planète dénuée d’air ; et tournant le dos au paysage qu’ils contemplaient, ils remontèrent vers le nord, longèrent la chaîne des Karpathes, franchirent le défilé de l’Aristarche dont les pitons se profilaient, barbelés comme des queues d’écrevisses, dentelés comme des peignes ; ils avançaient facilement, glissant plutôt qu’ils ne marchaient sur une sorte de glace givrée au-dessous de laquelle apparaissaient de vagues fougères cristallisées dont les nervures et les côtes brillaient ainsi que des sillons de vif-argent. Ils s’imaginaient se promener sur des taillis plats, sur des arborisations laminées, étalées sous une eau diaphane et ferme.

Ils débouchèrent dans une nouvelle plaine, la Mer des Pluies, et là encore, en se postant sur une éminence, ils dominèrent un paysage fuyant à perte de vue, hérissé par des Alpes de plâtre, cabossé par des Etna de sel, gonflé de tubercules,