Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/217

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saignant par les trous de ses stigmates, elle gémissait et pleurait, anéantie d’amour et de pitié, devant les tortures du Christ.

À sa parole qu’un scribe consignait, le Calvaire se dressait et toute une fripouille de corps de garde se ruait sur le Sauveur et crachait dessus ; d’effrayants épisodes surgissaient de Jésus, enchaîné à une colonne, se tordant tel qu’un ver, sous les coups de fouets, puis tombant, regardant de ses yeux défaits des prostituées qui se tenaient par la main et reculaient, dégoûtées, de son corps meurtri, de sa face couverte, ainsi que d’une résille rouge, par des filets de sang.

Et lentement, patiemment, ne s’arrêtant que pour sangloter, que pour crier grâce, elle peignait les soldats arrachant l’étoffe collée aux plaies, la Vierge pleurant, la figure livide et la bouche bleue ; elle relatait l’agonie du portement de croix, les chutes sur les genoux, s’affaissait, exténuée, lorsque arrivait la mort.

C’était un épouvantable spectacle, narré par le menu et formant un ensemble sublime, affreux. Le Rédempteur était étendu sur la croix couchée par terre ; l’un des bourreaux lui enfonçait un genou dans les côtes, tandis qu’un autre lui écartait les doigts, qu’un troisième frappait sur un clou à tête plate, de la largeur d’un écu et si long que la pointe ressortait derrière le bois. Et quand la main droite était rivée, les tortionnaires s’apercevaient que la gauche ne parvenait pas jusqu’au trou qu’ils voulaient percer ; alors ils attachaient une corde au bras, tiraient dessus de toutes leurs forces, disloquaient l’épaule, et l’on entendait, à travers les coups de marteaux, les plaintes du Seigneur, l’on apercevait sa poitrine qui se