Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/341

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Ils avaient quitté, tout en causant, la clôture et, coupant à travers champs, ils atteignaient une immense ferme ; des trappistes les saluèrent respectueusement quand ils entrèrent dans la cour. M. Bruno, s’adressant à l’un d’eux, le pria de vouloir bien leur faire visiter le domaine.

Le convers les conduisit dans des étables, puis dans des écuries, puis dans des poulaillers ; Durtal, que ce spectacle n’intéressait pas, se bornait à admirer la bonne grâce de ces braves gens. Aucun ne parlait, mais ils répondaient aux questions par des mimiques et des clins d’yeux.

— Mais comment font-ils pour communiquer entre eux, demanda Durtal, lorsqu’il fut hors de la ferme ?

— Vous venez de le voir ; ils correspondent avec des signes ; ils emploient un alphabet plus simple que celui des sourds-muets, car chacune des idées qu’ils peuvent avoir besoin d’exprimer pour leurs travaux en commun est prévue.

Ainsi, le mot « lessive » est traduit par une main qui en tape une autre ; le mot « légume » par l’index gauche qu’on ratisse ; le sommeil est simulé par la tête penchée sur le poing ; la boisson par une main close portée aux lèvres. — Et pour les termes dont le sens est plus spirituel, ils usent d’un moyen analogue. La confession se rend par un doigt que l’on pose, après l’avoir baisé, sur le cœur ; l’eau bénite est signifiée par les cinq doigts serrés de la main gauche, sur lesquels on trace une croix avec le pouce de la droite ; le jeûne par les doigts qui étreignent la bouche ; le mot « hier » par le bras retourné vers l’épaule ; la honte par les yeux couverts avec la main.