dans quel temps il vit, sous quelles latitudes il habite, s’il est en Amérique ou en France, car il n’a jamais lu un journal et les bruits du dehors ne parviennent pas jusqu’à lui.
Il ne se doute même pas du goût de la viande et du vin ; il n’a aucune notion de l’argent dont il ne soupçonne ni la valeur, ni l’aspect ; il ne s’imagine point comment une femme est faite ; ce n’est que par la saillie de ses verrats et la gésine de ses truies qu’il devine peut-être l’essence et les suites du péché de chair.
Il vit seul, concentré dans le silence et terré dans l’ombre ; il médite sur les mortifications des Pères du Désert qu’on lui détaille pendant qu’il mange ; et la frénésie de leurs jeûnes le rend honteux de son misérable repas et il s’accuse de son bien-être !
Ah ! ce père Siméon, il est innocent ; il ne sait rien de ce que nous connaissons et il sait ce que tout le monde ignore ; son éducation est faite par le seigneur même qui l’instruit de ses vérités incompréhensibles pour nous, qui lui modèle l’âme avec du ciel, qui s’infond en lui et le possède et le déifie dans l’union de Béatitude !
Cela nous met un peu loin des cagots et des dévotes, aussi loin, du reste, qu’est le Catholicisme moderne de la Mystique, car décidément cette religion est aussi terre à terre que la Mystique est haute !
Et c’est vrai cela. — Au lieu de tendre de toutes ses forces à ce but inouï, de prendre son âme, de la façonner en cette forme de colombe que le Moyen Age donnait à ses pyxides, au lieu d’en faire la custode où l’hostie repose dans l’image même du Saint-Esprit, le catholique se borne à tâcher de cacher sa conscience,