Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/41

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mais travailler à quoi ? Après avoir fait paraître une histoire de Gilles de Rais qui avait pu intéresser quelques artistes, il demeurait sans sujet, à l’affût d’un livre. Comme il était, en art, un homme d’excès, il sautait aussitôt d’un extrême à l’autre, et, après avoir fouillé le Satanisme au Moyen Age, dans son récit du maréchal de Rais, il ne voyait plus d’intéressant à forer qu’une vie de sainte et quelques lignes découvertes dans les études sur la Mystique de Gœrres et de Ribet l’avaient lancé sur la piste d’une bienheureuse Lydwine, en quête de documents neufs.

Mais en admettant même qu’il en déterrât, pouvait-il ouvrer une vie de sainte ? Il ne le croyait pas et les arguments sur lesquels il étayait son avis semblaient plausibles.

L’hagiographie était une branche maintenant perdue de l’art ; il en était d’elle ainsi que de la sculpture sur bois et des miniatures des vieux missels. Elle n’était plus aujourd’hui traitée que par des marguilliers et par des prêtres, par des commissionnaires de style qui semblent toujours, lorsqu’ils écrivent, charger leurs fétus d’idées sur des camions ; et elle était, entre leurs mains, devenue un des lieux communs de la bondieuserie, une transposition dans le livre des statuettes des Froc-Robert, des images en chromo des Bouasse.

La voie était donc libre et il semblait tout d’abord aisé de la planer ; mais pour extraire le charme des légendes, il fallait la langue naïve des siècles révolus, le verbe ingénu des âges morts. Comment arriver à exprimer aujourd’hui le suc dolent et le blanc parfum des très anciennes traductions de la Légende dorée de Voragine ?