Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/45

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Ce qui reste incompréhensible, par exemple, c’est l’horreur initiale, l’horreur imposée à chacun de nous, de vivre ; mais c’est là un mystère qu’aucune philosophie n’explique.

Ah ! reprenait-il, quand je songe à cette horreur, à ce dégoût de l’existence qui s’est, d’années en années, exaspéré en moi, comme je comprends que j’aie forcément cinglé vers le seul port où je pouvais trouver un abri, vers l’Église.

Jadis, je la méprisais, parce que j’avais un pal qui me soutenait lorsque soufflaient les grands vents d’ennui ; je croyais à mes romans, je travaillais à mes livres d’histoire, j’avais l’art. J’ai fini par reconnaître sa parfaite insuffisance, son inaptitude résolue à rendre heureux. Alors j’ai compris que le pessimisme était tout au plus bon à réconforter les gens qui n’avaient pas un réel besoin d’être consolés ; j’ai compris que ses théories, alléchantes quand on est jeune et riche et bien portant, deviennent singulièrement débiles et lamentablement fausses, quand l’âge s’avance, quand les infirmités s’annoncent, quand tout s’écroule !

Je suis allé à l’hôpital des âmes, à l’Église. On vous y reçoit au moins, on vous y couche, on vous y soigne ; on ne se borne pas à vous dire, en vous tournant le dos, ainsi que dans la clinique du Pessimisme, le nom du mal dont on souffre !

Enfin Durtal avait été ramené à la religion par l’art. Plus que son dégoût de la vie même, l’art avait été l’irrésistible aimant qui l’avait attiré vers Dieu.

Le jour où, par curiosité, pour tuer le temps, il était entré dans une église et, après tant d’années d’oubli, y