Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/52

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nerveuses larmes et toutes les rancœurs de sa vie lui remontaient ; plein de craintes indécises, de postulations confuses qui l’étouffaient sans trouver d’issues, il maudissait l’ignominie de son existence, se jurait d’étouffer ses émois charnels.

Puis, quand la messe était terminée, il errait dans l’église même, s’exaltait devant l’essor de cette nef que quatre siècles bâtirent et scellèrent de leurs armes, en y apposant ces extraordinaires empreintes, ces fabuleux cachets qui s’épanouissent en relief sous le berceau renversé des voûtes. Ces siècles s’étaient réunis pour apporter aux pieds du Christ l’effort surhumain de leur art et les dons de chacun étaient visibles encore. Le xiiie siècle avait taillé ces piliers bas et trapus dont les chapiteaux se couronnent de nymphéas, de trèfles d’eau, de feuillages à grandes côtes, volutés en crochets et tournés en crosse. Le xive siècle avait élevé les colonnes des travées voisines sur le flanc desquelles des prophètes, des moines, des saints, soutiennent de leurs corps étendus la retombée des arcs. Le xve et le xvie avaient créé l’abside, le sanctuaire, quelques-uns même des vitraux ouverts au sommet du chœur et, bien qu’ils eussent été réparés par de vrais gnaffs, ils n’en avaient pas moins gardé une grâce barbare, une naïveté vraiment touchante.

Ils paraissaient avoir été dessinés par les ancêtres des imagiers d’Épinal et bariolés par eux de tons crus. Les donateurs et les Saints qui défilaient dans ces clairs tableaux encadrés de pierre, étaient tous maladroits et pensifs, vêtus de robes gomme-gutte, vert bouteille, bleu de prusse, rouge de groseille, violet d’aubergine et lie de