Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/57

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ses longues stations au Louvre, ses incursions dans les bréviaires, dans les livres de Ruysbrœck, d’Angèle de Foligno, de Sainte Térèse, de Sainte Catherine de Gênes, de Madeleine de Pazzi, l’avaient encore affermi dans ses croyances.

Mais ce bouleversement d’idées qu’il avait subi était trop récent pour que son âme encore déséquilibrée se tînt. Par instants, elle semblait vouloir se retourner et il se débattait alors pour l’apaiser. Il s’usait en disputes, en arrivait à douter de la sincérité de sa conversion, se disait : en fin de compte, je ne suis emballé à l’église que par l’art ; je n’y vais que pour voir ou pour entendre et non pour prier ; je ne cherche pas le Seigneur, mais mon plaisir. Ce n’est pas sérieux ! De même que dans un bain tiède, je ne sens point le froid si je reste immobile et que si je remue, je gèle, de même aussi à l’église mes élans chavirent dès que je bouge ; je suis presque enflammé dans la nef, moins chaud déjà sous le parvis et je deviens absolument glacé lorsque je suis dehors. Ce sont des postulations littéraires, des vibrations de nerfs, des échauffourées de pensées, des bagarres d’esprit, c’est tout ce que l’on voudra, sauf la Foi.

Mais ce qui l’inquiétait plus encore que ce besoin d’adjuvants pour s’attendrir, c’était que ses sens dévergondés s’exaspéraient au contact des idées pieuses. Il flottait, comme une épave, entre la luxure et l’Église et elles se le renvoyaient, à tour de rôle, le forçant dès qu’il s’approchait de l’une à retourner aussitôt auprès de celle qu’il avait quittée et il en venait à se demander s’il n’était pas victime d’une mystification de ses bas instincts cherchant à se ranimer, sans même qu’il en eût conscience, par le cordial d’une piété fausse.