Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/58

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En effet, combien de fois l’avait-il vu se réaliser l’immonde miracle, alors qu’il sortait presque en larmes de Saint-Séverin ? Sournoisement, sans filiation d’idées, sans gradation, sans soudure de sensations, sans même qu’une étincelle crépitât, ses sens prenaient feu et il était sans force pour les laisser se consumer seuls, pour leur résister.

Il se vomissait après, mais il était bien temps ! Et alors le mouvement inverse se produisait ; il avait envie de courir dans une chapelle, de s’y laver et il était si dégoûté de lui que, s’il allait quelquefois jusqu’à la porte, il n’osait entrer.

D’autres fois, au contraire, il se révoltait et se criait, furieux : c’est bête, à la fin, je me suis gâté le seul plaisir qui me restait, la chair. Jadis, je m’amusais et ne me répugnais point ; aujourd’hui, je paye mes pauvres godailles par des tourments. J’ai ajouté un ennui de plus dans mon existence ; ah ! si c’était à refaire !

Et vainement, il se mentait, tentait de se justifier, en se suggérant des doutes.

Et si tout cela n’était pas véritable ? S’il n’y avait rien ? Si je me trompais ? Si les libres-penseurs avaient raison ?

Mais il était bien obligé de se prendre en pitié, car il sentait très distinctement, au fond de lui, qu’il possédait l’inébranlable certitude de la vraie Foi.

Ces discussions sont misérables et ces excuses que je cherche à mes saletés sont odieuses, se disait-il : et une flambée d’enthousiasme jaillissait en lui.

Comment douter de la véracité des dogmes, comment nier la puissance divine de l’Église, mais elle s’impose !

D’abord elle a son art surhumain et sa mystique, puis n’est-elle donc pas surprenante la persistante ina-