Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien discerner l’entente, même après l’avoir apprêté, il eût été nécessaire de le psalmodier ou de le chanter lentement, religieusement, de l’écouter en y réfléchissant ; et ce n’était pas possible, car l’office eût été soporeux et interminable, dénué de rythme et d’élan, exonéré de toute beauté, émondé de tout art.

Aussi, concluait Durtal, sied-il d’accepter le caractère talismanique de la liturgie ou alors de ne pas s’en mêler ; cette puissance, elle subsiste à l’état latent ; l’on ne sent pas la force du courant lorsqu’on le subit, tous les jours, mais elle se révèle aussitôt que l’on s’en trouve privé.

Ces excuses ne justifient point, hélas ! Mes écarts de cervelle et n’empêchent que, tandis que je profère des exorations labiales, mon imagination ne parte à la venvole. Je suis, il est vrai, rappelé à l’ordre dans les instants où je suis je ne sais où, très loin de Dieu, à coup sûr ; d’une touche brève, il m’appuie sur l’âme et je reviens à lui  ; et alors, je voudrais réellement l’aimer  ; puis tout retombe ; la préoccupation terrestre reprend le dessus jusqu’à ce que soudain, à propos de n’importe quoi, Dieu refrappe à la porte du cœur et se fasse ouvrir.

Ah ! l’image la plus exacte de moi-même elle est constamment celle d’une auberge  ; tout le monde y entre et tout le monde en sort  ; c’est une passoire de pensées voyagères ; mais heureusement que, malgré son exiguïté, l’auberge n’est pas, ainsi que l’hôtellerie de Bethléem, toujours pleine ; une chambre est réservée quand même pour la venue du Christ, une chambre incommode, mal nettoyée, un bouge si l’on veut, mais enfin, lui, qui a eu pour lit le bois de la croix, il s’en contenterait peut-être, si l’hôte était plus attentif et plus