Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/205

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étaient brodés en fils d’or les monogrammes gothiques de Jésus et de la Vierge.

Ils quittèrent leur siège et, en rond, debout au milieu du chœur, ils chantèrent, tandis que l’Abbé, entouré de sa cour, commençait la messe, l’introït.

Quand on fut arrivé au Kyrie Eleison, les fidèles s’embrasèrent et les filles et les garçons du village, conduits par le père curé, soutinrent les moines. Il en fut de même pour le credo. Durtal eut, à ce moment, la vision précise d’un retour très en arrière, d’un hameau chantant les mélodies de saint Grégoire, au Moyen-Age. évidemment, cela n’avait pas la perfection du chant de Solesmes, mais c’était autre chose. À défaut d’art, c’était de la projection d’âme un peu brute, d’âme de foule, émue pour un moment ; c’était la reviviscence pendant quelques minutes d’une primitive église où le peuple, vibrant à l’unisson de ses prêtres, prenait une part effective aux cérémonies et priait avec eux, dans le même dialecte musical, dans le même idiome ; et c’était, à notre époque, si parfaitement inattendu que Durtal croyait, en les entendant, s’évaguer, une fois de plus, dans un rêve.

Et la messe se déroulait dans le bruit de grandes eaux des orgues ; l’Abbé, tantôt au trône, tantôt devant l’autel ; l’Abbé chaussé et ganté de blanc ; tête nue ou coiffé d’une mitre orfrazée, puis d’une mitre couturée de gemmes ; l’Abbé, les mains jointes ou tenant sa crosse qu’il remettait ensuite au novice agenouillé qui lui baisait sa bague. Une fumée d’encens voilait les lancettes en ignition des cierges et les veilleuses des reliques dardaient deux flammes de topaze dans la nuée bleue. Au