Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/217

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— Oui, le Maire et le Conseil Municipal, du moment qu’il ne s’agit plus des moines, se montrent aimables. Ils avaient toujours refusé, tant que nous occupions le presbytère, de remettre même une ardoise au toit ; mais maintenant, tout socialistes qu’ils soient, ils miment des risettes et tâchent d’amadouer leur nouveau pasteur. Leur jeu est évidemment de nous brouiller avec lui ; j’espère qu’ils n’y réussiront pas ; nous sommes résolus, du reste, à lui céder autant que possible pour éviter tout conflit. D’ailleurs, si ce petit curé est, et je vous l’accorde, un peu prétentieux et infatué de lui-même, il n’en est pas moins très bien disposé à notre égard et très gentil. Vous l’appréciez sur quelques grimaces, mais nous, qui l’observons depuis huit jours qu’il vit déjà au milieu de nous, dans le monastère où on lui a offert le couvert et le gîte, en attendant que la cure soit habitable, nous sommes satisfaits de lui et convaincus qu’il est un brave petit enfant.

— Père, je me défie un peu de votre bonté ; tout le monde est pour vous un brave petit enfant !

— Mais non ; nous sommes trop enclins, voyez-vous, à juger sévèrement les autres — rien n’est plus injuste car enfin quand bien même un homme vous nuirait, cela ne prouverait pas qu’il n’ait jusqu’à un certain point raison. Il peut obéir à des mobiles qu’il croit équitables, en agissant de la sorte ; il voit différemment de vous et ce n’est pas un motif pour qu’il ait tort ; et il convient de toujours imaginer des causes honorables aux persécutions auxquelles on peut être en butte, afin d’être certain de ne point se tromper. Et puis, mon cher enfant, les humiliations et les souffrances sont excellentes.