Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/327

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par l’âge et de bonne garde ; regardez, c’est de l’escarboucle liquide qui coule dans le verre.

— Et il me reprochera ma gourmandise ! s’exclama Mlle de Garambois.

— Ma nièce, les grands crus sont des œuvres monastiques comme l’architecture, comme l’enluminure, comme tout ce qui est bel et excellent, ici-bas. Le clos Vougeot et le Chambertin, l’honneur de notre Bourgogne, ont été cultivés, l’un par les moines de Cîteaux, l’autre par les moines de Cluny ; Cîteaux a possédé des vignobles dans les climats de Corton et de la Romanée ; les chartes de Volnay mentionnent, sur le territoire de cette commune, le clos saint Andoche, qui appartenait à l’abbaye Bénédictine de ce nom. Le monastère cistercien de Maizières et, plus tard, les Carmélites exploitèrent de nombreuses chevances à Savigny-les-beaune et vous savez que l’on appliquait alors au vin de Beaune les laudatives épithètes de vin « nourrissant, théologique et morbifuge » ; l’on ne peut le nier, les climats les plus renommés de notre province sont issus de l’art viticole des cénobites.

N’est-ce pas naturel, d’ailleurs ? Le vin est une substance sacramentelle. Il est exalté dans maintes pages de la bible et notre-seigneur n’a pas trouvé de plus auguste matière pour la transformer en son sang. Il est donc digne et juste, équitable et salutaire de l’aimer !

— Les médecins le prohibent maintenant, dit Mlle de Garambois.

— Les médecins sont des imbéciles, reprit M. Lampre ; outre que le vin réjouit le cœur de l’homme, ainsi que l’énoncent les saintes ecritures, il est d’un réconfort