Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/338

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Malheureusement, il faut bien l’avouer, le Moïse de Sluter était le seul qui témoignait d’un art plus que réaliste, et d’un certain essor parmi les statues réunies du groupe ; les autres n’étaient plus, en effet, que des œuvres terre à terre, admirables, mais sans surgie d’âme, sans envolée dans l’au-delà. La plus typique, en ce genre précis et plat, était celle du roi David qui se dépréciait, par contraste, du reste, en l’avoisinant.

Le chef ceint d’un diadème, les cheveux longs et bouclés, la barbe divisée sous le menton en deux touffes timorées, il s’annonçait, la main posée sur une lyre et déroulant, de l’autre, un phylactère sur lequel étaient gravés ces mots : « Ils percèrent mes pieds et mes mains et dénombrèrent mes os. »

Ce David avait la placide figure d’un Hollandais blond et tirant sur le roux, d’un bon bourgeois un peu soufflé, nourri de fumures et de salaisons, engraissé par de pesantes bières. Il était, le futur « roi boit » de Jordaens, avant l’épiphanie et avant le repas. Il s’attestait, en somme, plus alourdi que désolé, plus somnolent que songeur ; cette statue était parfaite en tant que portrait d’homme du nord, riche et un peu dédaigneux, plus apte à jouer du vidrecome que de la lyre, mais elle était absolument insuffisante pour représenter la préfigure du Christ et le Psalmiste.

Plus recueilli, plus sérieux, était le prophète Jérémie, placé à ses côtés ; coiffé d’un chaperon, les joues et le menton ras, le nez busqué et les yeux clos, il tenait de sa main droite un livre grand ouvert et de la gauche une banderole avec cette inscription : « Ô vous qui passez, voyez s’il est une douleur comparable à la mienne. »