Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/337

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aussitôt par la véhémence imprévue de son aspect, était celle de Moïse.

Enveloppé d’un manteau dont l’étoffe aussi flexible qu’un véritable tissu, ondoyait en de souples plis, descendait en de mourantes vagues de la ceinture aux pieds, il étreignait, d’une main, les tables de la loi et de l’autre un rouleau déployé sur lequel se lisait la phrase de l’exode, devancière des temps : « La multitude des enfants d’Israël immolera un agneau, vers le soir. »

La tête était chevelue, énorme, avec le front renflé, en guise de cornes, de deux bosses, ridé d’accents circonflexes au-dessus de l’œil qui clignait, dur et presque insolent, la barbe bifide roulant sur les joues, tombant en deux énormes coulées sur la poitrine, laissant à sec un nez en bec d’aigle et une bouche impérieuse, sans indulgence et sans pitié. Sous cette crinière de fauve, la face soulevée, s’avançait implacable ; c’était le visage d’un justicier et d’un despote, un visage de proie ; Moïse semblait écouter les excuses embarrassées des tribus coupables, prêt moins à pardonner qu’à châtier cette tourbe d’hébreux qu’il savait apte à toutes les défections, à toutes les idolâtries, à toutes les hontes.

Cette figure d’orage qu’on sentait sur le point d’éclater était d’une allure presque surhumaine ; elle était, en tout cas, autrement éloquente, autrement altière, soit dit en passant, que celle du Moïse que refit, moins d’un siècle après, Michel-ange, un Moïse également pourvu de cornes et d’une barbe de fleuve ; seulement, lui, n’érigea qu’une attitude, ne sculpta qu’un colosse indifférent, aux formes robustes, majestueuses même, si l’on veut, mais un colosse redondant et creux.