Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/374

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d’or leur grande tonsure monastique noire ; des roses, des gueules-de-loup de toutes nuances jaillissaient des parterres, débordaient sur les chemins ; les sureaux se tiquetaient de grains noirs, les briones de grains roses, les sorbiers de grains vermillon, les buissons ardents de grains de terre de sienne brûlée. Les capucines fulguraient, en grimpant aux arbres. Dans les fourrés du bois, les gaudes balançaient leurs cierges verts dont la mèche tirebouchonnait, en pendant ; un petit arbuste, le calycanthus qui, l’année d’avant, paraissait mort, avait repris et il était, au point de vue de la variété de ses parfums, bizarre. Son bois sentait le vernis et le poivre ; sa fleur, qui ressemblait à une grosse araignée couchée sur le dos, avec un ventre couleur de brique et des bouts de pattes couleur de citron, exhalait une odeur de camphre, et son fruit, d’un brun de jujube, épandait un relent de vieille futaille et de pomme.

— Mon pauvre calycanthus, fit Durtal, qui humait, en souriant, son arome, je crois que nous n’en avons plus pour bien longtemps à vivre ensemble, car plus ça va et moins je me reconnais le courage de végéter, sans offices et sans moines, ici. Tu n’es pas ce qu’on appelle un arbre bénéolent et aimable et Mme Bavoil te déteste, car elle te reproche d’être inutile et de puer. Je t’ai toujours défendu, mais le locataire qui me succédera sans doute en cet enclos, sera moins bénévole et tu risques fort d’être, un beau matin, arraché et incorporé, en compagnie de bois plus vulgaires, dans une bourrée de fagots secs ; tu seras alors, toi aussi, une victime des lois !

Tiens, Dom Felletin, fit-il ; il marcha au-devant du