Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/413

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À la façon dont s’appliquait la bouche, l’on pouvait se rendre compte du plus ou du moins de ferveur et d’affection des pères et des frères ; les uns appuyaient les lèvres, embrassaient réellement, voyant en ce nouveau venu, ainsi que dans tout hôte, l’image du Christ ; les autres embrassaient aussi fortement, par affection fraternelle ; d’autres, au contraire, frôlaient seulement, se bornaient à remplir un devoir, sans y attribuer plus d’importance. Durtal, lui, rêvait à cette coutume, issue des premiers âges, perpétuée par l’église, à cette leçon d’humilité que saint Benoît infligeait à tous ses moines… et, soudain, il ne put s’empêcher de sourire ; le père Philogone Miné, assis, la tête perdue, dans un coin, la recouvrait subitement, ainsi que d’habitude, alors qu’il s’agissait d’un office. Il se démenait et, soutenu par deux frères, se traînait jusqu’au coussin, déposait, en souriant, un bon gros baiser sur les pieds du petit Cholet et était ramassé avec peine et reconduit à son banc.

Quand tous eurent ainsi défilé, sur un signe du maître des cérémonies et tandis que le chœur chantait le cantique : « Ubi charitas », le novice se rechaussa et vint se mettre à genoux, au milieu du chapitre ; les religieux en firent autant, devant leurs bancs.

L’abbé ôta sa mitre et chanta, tourné vers son siège, une série de versets, récita le Kyrie Eleison et le pater et termina par trois oraisons dont la dernière empruntée à l’office du patriarche : « renouvelez, Seigneur, dans votre église, l’esprit qui animait à votre service le bienheureux Benoît, abbé, afin qu’en étant remplis, nous aimions ce qu’il a aimé et accomplissions les œuvres qu’il a prescrites. Par J.-C. N.-S. »