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c’est que peu se résolvent d’embrasser les privations qui contrarient leur nature, qui la font souffrir et que personne ne veut être crucifié. Notre vie se passe en théorie spirituelle peu pratiquée. La providence a plus de soin de ceux à qui elle fournit de plus belles occasions de souffrir ; mais Dieu ne fait ses faveurs qu’à ses meilleurs amis, de leur donner tout ensemble et l’occasion et la grâce de bien souffrir. »

— Sans doute, soupira Durtal qui vérifia le volume. Il reconnut un ouvrage de mystique, très rare, provenant de la bibliothèque de l’abbé Gévresin : les œuvres spirituelles de M. De Bernières-louvigny.

— Mon Dieu, dit Mme Bavoil en déposant son livre, qui nous délivrera de ces ouvriers d’iniquités, de ces possédés des Synagogues et des Loges ?

— Personne. Il y a deux prétendants au trône, madame Bavoil, mais ils attendent qu’on leur apporte la France sur une assiette.

— Chaude peut-être ?

— Non, car ils auraient peur de se brûler. Il n’y a plus d’hommes. Humainement parlant, il n’y a rien à espérer. Le pays ressemble à l’un de ces vignobles de nos alentours dont m’entretenait le père Paton. Il est infecté de ce qu’on appelle le pourridié ; c’est une des maladies les plus anciennes de la vigne, en Bourgogne ; ce n’est pas le phylloxéra, mais ça ne vaut guère mieux. Le pourridié est un champignon qui pourrit les ceps. Ils s’affaiblissent, penchent peu à peu leurs rameaux en forme de tête de saule ; enfin, ils meurent et leurs racines sont tellement putréfiées qu’il suffit de tirer légèrement la souche avec ses doigts pour l’arracher.