Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/455

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à l’oratoire, le P. Paton leur montra le télégramme qu’il venait de recevoir. Il les avisait de la reprise des offices et prescrivait le départ des deux moines.

Encore qu’il s’y attendît, ce fut un gros crève-cœur pour Durtal que de se séparer de son petit frère ; ils avaient vécu, une semaine ensemble, et si l’atmosphère n’avait pas été si surchargée de tristesse et de regrets, l’existence eût été vraiment confinée en Dieu et vraiment douce.

— Ah ! fit Durtal agenouillé à la chapelle, alors que se termina, sur les vêpres du jour, le dernier office-mon père saint Benoît, la lampe est rallumée en Belgique, il ne nous reste plus qu’à souffler notre pauvre lumignon ; — et il éteignit, en effet, son bout de bougie, symbole très exact de la misère de ces heures canoniales, psalmodiées à quatre !

Et après avoir, le lendemain, reconduit et embrassé l’enfant à la gare, il s’en fut chez M. Lampre qui avait voulu lui offrir un déjeuner d’adieu ; mais le repas fut lugubre ; malgré les grands crus, tous étaient silencieux et absorbés. La débâcle de l’abbaye s’achevait avec celle de l’oblature ; la dispersion allait rompre tous les liens ; chacun comprenait qu’on ne se reverrait guère.

Et cette sensation, Durtal l’éprouva, tenace, obsédante, à Dijon, alors qu’il monta dans le rapide ; ses amis l’avaient accompagné sur le quai de la gare ; on se serrait les mains, on se promettait de revenir en villégiature au Val des Saints et de se visiter à Paris et quand le train détala, Durtal, sur sa banquette, n’eut aucune illusion et se sentit vraiment, à jamais loin de ces braves gens, seul.