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Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/85

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pareilles aux blaireaux violacés de chardons, des fleurs d’un crin tendre, trempées dans de la lie de vin, ignobles.

Mais, cette après-midi-là, Mme Bavoil, insensible aux délices intimes de ces allées, dit à Durtal, dès qu’ils en furent sortis :

— Tout cela, c’est très joli, mais il conviendrait pourtant d’indiquer l’endroit que vous destinez à votre potager, car enfin c’est trop bête que d’être obligés d’aller jusqu’à Dijon pour acheter des légumes, alors qu’on pourrait en récolter chez soi !

Mais Durtal défendait de son mieux ses massifs, tout en convenant que sa gouvernante n’avait pas tort.

Ils finirent par s’accorder vaguement sur un emplacement situé au fond du jardin ; mais Mme Bavoil tirait la couverture à elle : elle est à moi, en outre, n’est-ce pas, disait-elle, cette partie que vous avez laissée inculte ?

— Jamais de la vie ! C’est là où je campe la flore liturgique et le pourpris médicinal de Walhafrid Strabo.

— Voyons, soyez raisonnable, notre ami, il ne vous faut pas beaucoup d’espace pour aménager ces quelques herbes ; passez-moi la liste, il ne va pas être difficile de déterminer la part qui leur suffit.

Durtal remit, en grognant, à Mme Bavoil, un papier qu’il ôta de sa poche ; elle éclaircit ses lunettes en soufflant dessus et en les frottant d’un vigoureux coup de mouchoir, et elle lut :

Sauge — rue — abrotone — cornichon — melon — absinthe — marrube — fenouil — iris — livèche — cerfeuil — lys — pavot — sclarea — menthe — chasse-puce — ache — bétoine — aigremoine — eupatoire — éphèdre — menthe de chat — radis et rose.