Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/163

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on y songe ! Il y a de cela neuf années, un enfant de quatorze ans, Félix Lemaître, assassine un petit garçon qu’il ne connaît pas, parce qu’il convoite de le voir souffrir et d’entendre ses cris. Il lui fend le ventre avec un couteau, tourne et retourne la lame dans le trou tiède, puis il lui scie lentement le col. Il ne témoigne d’aucun repentir, se révèle, dans l’interrogatoire qu’il subit, intelligent et atroce. Le Dr Legrand Du Saule, d’autres spécialistes, l’ont surveillé patiemment pendant des mois, jamais ils n’ont pu constater chez lui un symptôme de folie, un semblant de manie même. Et celui-là avait été presque bien élevé, n’avait même pas été perverti par d’autres !

C’est absolument comme les démonomanes, conscients ou inconscients, qui font le mal pour le mal ; ils ne sont pas plus fous que le moine ravi dans sa cellule, que l’homme qui fait le bien pour le bien. Ils sont, loin de toute médecine, aux deux pôles opposés de l’âme, et voilà tout !

Au xve siècle, ces tendances extrêmes furent représentées par Jeanne d’Arc et par le Maréchal de Rais. Or il n’y a pas de raison pour que Gilles soit plutôt insane que la Pucelle dont les admirables excès n’ont aucun rapport avec les vésanies et les délires !

Tout de même, il a dû se passer de terribles nuits dans cette forteresse, se dit Durtal, revenant à