Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/212

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lentement sans qu’à l’autopsie des traces de poisons paraissent ?

— Le Gilles de Rais moderne ! fit Durtal.

— Oui, moins sauvage, moins franc, plus hypocritement cruel. Celui-là n’égorge pas ; il se borne sans doute à expédier des sortilèges ou à suggérer le suicide aux gens ; car il est, je crois, de première force à ce jeu de la suggestion, dit des Hermies.

— Pourrait-il insinuer à une victime de boire peu à peu un toxique qu’il lui désignerait et qui feindrait les phases d’une maladie ? demanda Durtal.

— Mais évidemment ; les enfonceurs de portes ouvertes que sont les médecins de l’heure actuelle, reconnaissent parfaitement la possibilité de pareils faits. Les expériences de Beaunis, de Liégeois, de Liébaut et de Bernheim sont concluantes ; on peut même faire assassiner une personne que l’on désigne par une autre à laquelle on suggère, sans qu’elle s’en souvienne, la volonté du crime.

— Je songe à une chose, moi, jeta Carhaix qui réfléchissait, sans écouter cette discussion sur l’hypnose. Je songe à l’Inquisition ; elle avait décidément sa raison d’être, car elle seule pourrait atteindre ce prêtre déchu qu’a balayé l’Église.

— D’autant, fit des Hermies, avec son sourire en coin, qu’on a bien exagéré la férocité des Inquisiteurs. Sans doute le bienveillant Bodin parle d’in-