Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/244

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le sergent Bertrand. — Mais si l’on peut admettre que ce sommeil de plomb est l’une des phases connues de cet état encore mal observé du vampirisme ; si l’on peut croire que Gilles de Rais fut un aberré des sens génésiques, un virtuose en douleurs et en meurtres, il faut avouer qu’il se distingue des plus fastueux des criminels, des plus délirants des sadiques, par un détail qui semble extrahumain, tant il est horrible !

Ces terrifiantes délices, ces monstrueux forfaits ne lui suffisant plus, il les corroda d’une essence de péché rare. Ce ne fut plus simplement la cruauté résolue, sagace, du fauve qui joue avec le corps de sa victime. Sa férocité ne demeura plus seulement charnelle ; elle s’aggrava, devint spirituelle. Il voulut faire souffrir l’enfant dans son corps et dans son âme ; par une supercherie toute satanique, il trompa la gratitude, dupa l’affection, vola l’amour. Alors il dépassa, du coup, l’infamie de l’homme et entra de plain pied dans la dernière ténèbre du Mal.

Il imagina ceci :

Quand l’un des malheureux enfants était amené dans sa chambre, Bricqueville, Prélati, Sillé, le pendaient à un croc fiché au mur ; et, au moment où l’enfant suffoquait, Gilles ordonnait de le descendre et de dénouer la corde. Il prenait alors avec précaution le petit sur ses genoux, il