Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/245

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le ranimait, le caressait, le dorlotait, essuyait ses larmes, lui disait en lui montrant ses complices : ces hommes-là sont méchants, mais tu vois ils m’obéissent ; n’aie plus peur, je te sauve la vie et je vais te rendre à ta mère ; — et tandis que l’enfant éperdu de joie, l’embrassait, l’aimait à ce moment, il lui incisait doucement le cou par derrière, le rendait, suivant son expression, « languissant » et lorsque la tête un peu détachée, saluait dans des flots de sang, il pétrissait le corps, le retournait, le violait, en rugissant.

Après ces abominables jeux, il put croire que l’art du charnier avait exprimé dans ses doigts son dernier bourbillon, suinté son dernier pus, et, en un cri d’orgueil, il dit à la troupe des parasites : « Il n’est personne sur la planète qui ose ainsi faire ! »

Mais si l’au-delà du Bien, si le là-bas de l’Amour est accessible à certaines âmes, l’au-delà du Mal ne s’atteint pas. Excédé de stupres et de meurtres, le Maréchal ne pouvait aller dans cette voie plus loin. Il avait beau rêver à des viols uniques, à des tortures plus studieuses et plus lentes, c’en était fait ; les limites de l’imagination humaine prenaient fin ; il les avait, diaboliquement, dépassées même. Il haletait, insatiable, devant le vide ; il pouvait vérifier cet axiome des démonographes, que le malin dupe tous les gens qui se donnent ou veulent se livrer à lui.