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Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/248

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hêtres ; il retrouve l’épiderme éléphantin des mendiants dans l’enveloppe noire et rugueuse des vieux chênes ; puis, auprès des bifurcations des branches, des trous bâillent, des orifices où l’écorce fait bourrelet sur des entailles en ovale, des hiatus plissés qui simulent d’immondes émonctoires ou des natures béantes de bêtes. Ce sont encore, à des coudes de branches, d’autres visions, des fosses de dessous de bras, des aisselles frisées en lichen gris ; ce sont, dans le tronc même de l’arbre, des blessures qui s’allongent en grandes lèvres, sous des touffes de velours roux et des bouquets de mousses !

Partout les formes obscènes montent de la terre, jaillissent en désordre dans le firmament qui se satanise ; les nuages se gonflent en mamelons, se fendent en croupes, s’arrondissent en des outres fécondes, se dispersent en des traînées épandues de laite ; ils s’accordent avec la bombance sombre de la futaie où ce ne sont plus qu’images de cuisses géantes ou naines, que triangles féminins, que grands V, que bouches de Sodome, que cicatrices qui s’ébrasent, qu’issues humides ! — Et ce paysage d’abomination change. Gilles voit maintenant sur les troncs d’inquiétants polypes, d’horribles loupes. Il constate des exostoses et des ulcères, des plaies taillées à pic, des tubercules chancrelleux, des caries atroces ;