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Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/249

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c’est une maladrerie de la terre, une clinique vénérienne d’arbres dans laquelle surgit, au détour d’une allée, un hêtre rouge.

Et devant ces feuilles empourprées qui tombent, il se croit mouillé par une pluie de sang ; il entre en rage, rêve que sous l’écorce une nymphe forestière habite, et il voudrait bafouiller dans de la chair de déesse, il voudrait trucider la Dryade, la violer à une place inconnue aux folies de l’homme !

Il envie le bûcheron qui pourra meurtrir et massacrer cet arbre, et il s’affole, brame, écoute, hagard, la forêt qui répond à ses cris de désirs par les huées stridentes des vents ; il s’affaisse, pleure, reprend sa marche jusqu’à ce qu’exténué, il arrive au château et croule sur son lit comme une masse.

Et les fantômes se précisent mieux, maintenant qu’il dort. Les enlacements lubriques des branches, l’accouplement des essences diverses des bois, les crevasses qui se dilatent, les fourrés qui s’entr’ouvrent disparaissent ; les pleurs des feuillages fouettés par la bise, se tarissent ; les blancs abcès des nuées se résorbent dans le gris du ciel ; et — dans un grand silence, — ce sont les incubes et les succubes qui passent.

Les corps qu’il a massacrés et dont il a fait jeter les cendres dans les douves ressuscitent