Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/257

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sous ses abords mielleux, d’un mauvais coup.

— Ce qu’il doit avoir envie de me ficher à la porte ! se disait Durtal, car il n’ignore certainement pas les manigances de sa femme.

Mais si Chantelouve désirait se débarrasser de lui, il ne décelait guère. Les jambes croisées, les mains pliées, en un geste de prêtre, l’une sur l’autre, il paraissait s’intéresser fort maintenant aux travaux de Durtal.

Un peu incliné, écoutant ainsi qu’au théâtre, il répliquait : — Oui, je connais la matière ; j’ai lu, dans le temps, un livre qui m’a semblé bien fait sur Gilles de Rais ; c’était un volume de l’abbé Bossard.

— C’est même l’ouvrage le plus savant et le plus complet que l’on ait écrit sur le Maréchal.

— Mais, reprit, Chantelouve, il y a toujours un point que je ne comprends pas ; je ne puis m’expliquer pourquoi Gilles de Rais fut surnommé Barbe-Bleue, car son histoire n’a aucun rapport avec le conte du bon Perrault.

— La vérité, c’est que le vrai Barbe-Bleue n’est pas Gilles de Rais, mais bien un Roi Breton appelé Cômor, dont un fragment de château existe encore, depuis le vie siècle, sur les confins de la forêt de Carnoët. La légende est simple : ce Roi demanda à Guérock, Comte de Vannes, la main de sa fille Triphine. Guérock refusa parce qu’il