Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/315

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Au fait, qu’a-t-elle pu faire avec cet abbé qui a été son confesseur et qui, de son aveu même, l’a lancée dans l’incubat ? Elle a été sa maîtresse, cela est sûr ; et combien, parmi ces autres ecclésiastiques qu’elle a fréquentés ont été ses amants aussi ? car elle l’a confessé, dans un cri, ce sont ces gens là qu’elle aime ! Ah ! si l’on fréquentait le monde clérical, l’on apprendrait sans doute de curieuses particularités sur son mari et sur elle ; c’est tout de même étrange, Chantelouve qui joue un singulier rôle dans ce ménage, s’est acquis une déplorable réputation et, elle, pas. Jamais je n’ai ouï parler de ses frasques ; mais non, que je suis bête ! ce n’est pas étrange ; son mari ne s’est pas confiné dans les cercles religieux et mondains ; il se frotte aux gens de lettres, s’expose par conséquent à toutes les médisances, tandis qu’elle, si elle prend un amant, elle le choisit, certainement, dans des sociétés pieuses aucun de ceux que je connais ne serait reçu ; et puis, les abbés sont des gens discrets ; mais comment expliquer alors qu’elle vienne ici ? par ce fait bien simple qu’elle a probablement eu une indigestion de soutaniers et qu’elle m’a requis pour faire un intérim de bas noirs. Je lui sers de halte laïque !

C’est égal, elle est tout de même bien singulière et plus je la vois, moins je la comprends. Il y a en elle trois êtres distincts.