Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au milieu des malédictions, des cris d’horreur qui jaillissent autour d’eux, Gilles et ses serviteurs sont conduits à Nantes et écroués au château de la Tour Neuve.

— Tout cela, ce n’est pas, en somme, très clair, se disait Durtal. Étant donné le casse-cou que fut autrefois le Maréchal, comment admettre que, sans coup férir, il livre ainsi sa tête ?

Fut-il amolli, ébranlé par ses nuits de débauche, démantelé par les abjectes délices des sacrilèges, effondré, moulu par les remords ? fut-il las de vivre ainsi et se délaissa-t-il comme tant de meurtriers que le châtiment attire ? nul ne le sait. Se jugea-t-il d’un rang si élevé qu’il se crût incoercible ? espéra-t-il, enfin, désarmer le Duc, en tablant sur sa vénalité, en lui offrant une rançon de manoirs et de prés ?

Tout est plausible. Il pouvait aussi savoir combien Jean V avait hésité, de peur de mécontenter la noblesse de son Duché, à céder aux objurgations de l’Évêque et à lever des troupes pour le traquer et le saisir.

Ce qui est certain c’est qu’aucun document ne répond à ces questions. Encore tout cela peut-il être mis à peu près en place dans un livre, se disait-il, mais ce qui est bien autrement fastidieux et obscure, c’est, au point de vue des juridictions criminelles, le procès même.