Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/33

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extraits de l’histoire de Charles VII, de Vallet de Viriville, enfin la notice d’Armand Guéraut et la biographie de l’abbé Bossard. Et cela lui suffisait pour dresser debout la formidable figure de ce satanique qui fut, au xve siècle, le plus artiste et le plus exquis, le plus cruel et le plus scélérat des hommes.

Une seule personne était au courant de son projet de livre, des Hermies, qu’il voyait maintenant presque tous les jours.

Il l’avait connu dans une maison des plus étranges, chez Chantelouve, l’historien catholique, qui se vantait de recevoir à sa table tous les mondes. Et, en effet, c’était une fois par semaine, l’hiver, dans son salon de la rue de Bagneux, le plus bizarre ramas de gens : des cuistres de sacristie et des poètes de caboulots, des journalistes et des actrices, des partisans de la cause de Naundorff et des placiers en sciences louches.

Cette maison était, en somme, située sur la lisière du monde clérical qui s’y rendait un peu comme en un mauvais lieu ; l’on y dînait de façon tout à la fois biscornue et fine ; Chantelouve était cordial, d’esprit grassouillet, d’entrain pressant. Il inquiétait bien un peu les analystes par un regard de bagne qui passait quelquefois sous les verres fumés de son binocle, mais sa bonhomie tout ecclésiastique désarmait les préventions ; puis la femme,