Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/361

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Il avait erré, sangloté, sur ses propres rives, désespérant de pouvoir jamais étancher l’amas de ces effrayantes boues. Et, foudroyé par la grâce, dans un cri d’horreur et de joie, il s’était subitement renversé l’âme ; il l’avait lavée de ses pleurs, séchée au feu des prières torrentielles, aux flammes des élans fous. Le boucher de Sodome s’était renié, le compagnon de Jeanne d’Arc avait reparu, le mystique dont l’âme s’essorait jusqu’à Dieu, dans des balbuties d’adoration, dans des flots de larmes !

Puis il pensa à ses amis, voulut qu’eux aussi mourussent en état de grâce. Il demanda à l’Évêque de Nantes qu’ils ne fussent pas exécutés, avant ou après, mais en même temps que lui. Il fit valoir qu’il était le plus coupable, qu’il devait les avertir de leur salut, les assister au moment où ils monteraient sur le bûcher.

Jean de Malestroit accueillit cette supplique.

— Ce qui est curieux, se dit Durtal, en s’interrompant d’écrire pour allumer une cigarette, c’est que…

On sonna doucement ; Mme Chantelouve entra.

Elle déclara qu’elle ne restait que deux minutes, qu’elle avait une voiture en bas. — C’est pour ce soir, dit-elle ; je viendrai vous prendre à neuf heures. Écrivez-moi d’abord une lettre à peu près conçue dans ces termes, et elle lui remit un papier qu’il déplia.