Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/366

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Démonisme. La médecine classe tant bien que mal cette faim de l’ordure dans les districts inconnus de la Névrose ; et, elle le peut, car personne ne sait au juste ce qu’est cette maladie dont tout le monde souffre ; il est bien certain, en effet, que les nerfs vacillent dans ce siècle, plus aisément qu’autrefois, au moindre choc. Tiens, rappelle-toi les détails donnés par les journaux, sur l’exécution des condamnés à mort ; ils nous révèlent que le bourreau travaille avec timidité, qu’il est sur le point de s’évanouir, qu’il a mal aux nerfs, lorsqu’il décapite un homme. Quelle misère ! lorsqu’on le compare aux invincibles tortionnaires du vieux temps ! Ceux-là vous enfermaient la jambe dans un bas de parchemin mouillé qui se rétractait devant le feu et vous broyait doucement les chairs ; ou bien, ils vous enfonçaient des coins dans les cuisses et brisaient les os ; ils vous cassaient les pouces des mains dans des étaux à vis, vous découpaient des lanières d’épiderme dans le râble, vous retroussaient comme un tablier la peau du ventre ; ils vous écartelaient, vous estrapadaient, vous rôtissaient, vous arrosaient de brandevin en flammes, avec une face impassible, des nerfs tranquilles, qu’aucun cri, qu’aucune plainte n’ébranlaient. Ces exercices étant un peu fatigants, ils avaient seulement, après l’opération, bonne soif et grande faim. C’étaient des sanguins bien équi-