Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sitation, puis sans rien répondre, elle le suivit.

Il joua des coudes, se dégagea des femmes qui maintenant sortaient des dents prêtes à mordre ; il poussa Mme  Chantelouve vers la porte, franchit la cour, le vestibule, et la loge du concierge étant vide, il tira le cordon et se trouva dans la rue.

Là, il s’arrêta et aspira, à pleins poumons, des bouffées d’air ; Hyacinthe, immobile, perdue au loin, s’accota au mur.

Il la regarda. — Avouez que vous avez envie de rentrer ? dit-il, d’un ton dans lequel le mépris perçait.

— Non, fit-elle, avec un effort, mais ces scènes me brisent. Je suis étourdie, j’ai besoin d’un verre d’eau pour me remettre.

Et elle remonta la rue, alla droit, en s’appuyant sur lui, chez le marchand de vins dont la devanture était ouverte.

C’était un ignoble bouge, une petite salle avec des tables et des bancs de bois, un comptoir en zinc, un jeu de zanzibar, et des brocs violets ; au plafond, un bec de gaz en forme d’U ; deux ouvriers terrassiers jouaient aux cartes ; ils se retournèrent et rirent ; le patron retira le brûle-gueule de sa bouche et saliva dans du sable ; il ne semblait nullement surpris de voir cette femme élégante dans son taudis. Durtal qui l’observait crut