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Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/415

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ait, en somme, su élever un intérieur de cathédrale, depuis cent ans ! Sa nef fulgure d’émaux et de marbres, de bronzes et d’or ; des statues d’anges coupent les colonnes, interrompent avec une grâce solennelle, les eurythmies connues. C’est asiatique et barbare ; cela rappelle les architectures que Gustave Moreau élance, autour de ses Hérodiades, dans son œuvre.

Et des files de pèlerins se succèdent sans trève. On prie Notre-Dame pour l’extension des affaires ; on la supplie d’ouvrir de nouveaux débouchés aux saucissons et aux soies. On fait l’article à la Vierge ; on la consulte sur les moyens de vendre les denrées défraîchies et d’écouler les pannes. Au centre de la ville même, dans l’église de Saint-Boniface, j’ai relevé une pancarte où l’on invite les fidèles à ne pas distribuer, par respect pour le Saint Lieu, d’aumônes aux pauvres. Il ne convenait pas, en effet, que les oraisons commerciales fussent troublées par les ridicules plaintes des indigents !

— Oui, dit Durtal, et ce qui est bien étrange aussi, c’est que la démocratie est l’adversaire le plus acharné du pauvre. La Révolution, qui semblait, n’est-ce pas, devoir le protéger, s’est montrée pour lui le plus cruel des régimes. Je te ferai parcourir un jour, un décret de l’an II ; non seulement, il prononce des peines contre ceux qui tendent la main, mais encore contre ceux qui donnent !